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En gagnant la première médaille d’or Paralympique, Alexis a marqué l’histoire du triathlon français. Athlète exemplaire mais aussi très modeste, il affiche un palmarès exceptionnel : multiple champion d’Europe et du Monde, il a également décroché l’or aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2021 dans sa catégorie (PTS4). En toute honnêteté, on voulait l’interviewer à l’occasion de la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées (SEEPH), pour qu’il nous raconte la façon dont il vivait son travail et son sport avec son handicap. Mais en préparant l’échange, il a bien fallu se rendre à l’évidence : Alexis fait très rapidement oublier sa différence, et on se retrouve avec une interview spéciale SEEPH qui ne parle pas beaucoup de handicap. A la place, on a discuté rêves, défis, entrainements, et de comment on combine le sport de haut niveau et le travail. Rencontre avec un collaborateur… En or !

Quel est l’avantage d’être un sportif de haut niveau lorsqu’on travaille sur un chantier, ou maintenant, dans ton rôle de préventeur ? 

Lorsqu’on est sportif de haut niveau, on connaît et on maîtrise parfaitement son corps et ses limites. Et c’est tout autant nécessaire lorsqu’on travaille dans le bâtiment. En tant que préventeur, je peux faire de vrais parallèles avec la pratique du sport de haut niveau : je reprends les compagnons sur leurs postures et leurs gestes lorsqu’ils se baissent ou soulèvent des charges. Je leur fais également prendre conscience de l’importance d’avoir une bonne hygiène de vie et une bonne alimentation pour être en bonne santé ! A mes côtés, ils prennent également davantage conscience que les accidents n’arrivent pas qu’aux autres, et qu’il faut toujours être prudent et respecter les règles de prévention mises en place dans l’entreprise, pour garantir non seulement sa santé et sa sécurité, mais aussi celle de ses collègues.  

Enfin, en triathlon je suis peut-être seul sur le podium, mais derrière moi, il y a toute une équipe pour m’aider à accomplir mes performances : mes coachs, mon prothésistes, l’équipe de soin, ma famille… En bref, je ne suis jamais seul ! Dans le sport comme dans l’entreprise, on a besoin d’être entourés des bonnes personnes, et c’est tout à fait normal de se faire aider et de se placer dans les meilleures conditions possibles. J’essaie de transmettre cet état d’esprit aux équipes.

Paratriathlon, Championnat de France @F Boukla

Comment penses-tu avoir contribué à changer le regard de l’entreprise sur le handicap ? 

Le jour de mon arrivée en 2017, sur mon premier chantier Bouygues Bâtiment Grand, j’ai débarqué en short. On était début janvier, il était 7h30, un froid de canard, mais je l’ai fait pour « poser les bases », en quelques sortes ! Personne ne m’a regardé dans les yeux, les chefs de chantiers comme les compagnons m’ont regardé « dans les jambes », en se demandant ce que je faisais là. Durant les deux premières semaines, ils m’ont ensuite ignoré, se basant sur leurs préjugés, avant de se rendre compte que j’étais tout à fait capable. A partir de ce moment-là, la situation a changé du tout au tout, et j’étais le bienvenu dans toutes les équipes. À mon échelle, je pense avoir changé le regard de beaucoup de compagnons, en leur prouvant qu’il ne fallait pas s’attarder sur l’apparence, mais regarder les compétences. J’ai aussi apporté de la bienveillance : oui, il est possible de travailler avec une prothèse. 
 
Cette année-là, il n’y a pas eu un seul arrêt de travail sur ce chantier. Peut-être que chacun a relativisé ses propres soucis en me voyant ; et j’ai probablement aussi déjà joué ce rôle de prévention en leur rappelant, avec ma simple présence, qu’un chantier c’est un endroit où il ne faut jamais relâcher sa vigilance.   

C’est finalement une question d’éducation : l’inclusion, ça s’apprend. Et c’est d’ailleurs pour cela que je parle de différence au sens large, plutôt que de handicap. Finalement, nous sommes tous différents, et c’est cela qui rend notre société intéressante. Nous ne sommes pas des clones : on apprend tous des uns et des autres, et il faut se nourrir de cette différence, pas s’en moquer. Ma différence est d’avoir une jambe en carbone, mais mon niveau à la course à pied est bien meilleur que la plupart des gens. Par rapport à eux, je ne suis donc pas handicapé, mais simplement différent.  

Pour le faire comprendre à mes collègues et aux compagnons, j’ai un exemple très simple : s’il faut monter sur un tabouret pour changer une ampoule, quelqu’un qui a ses deux jambes mais qui souffre de vertige sera finalement plus handicapé que moi. Quant à une personne malvoyante, elle n’aura même pas besoin de changer l’ampoule !  

Le handicap existe partout, c’est une notion psychologique de ce qu’on est capable de faire ou non. Je préfère éviter le mot « handicap », qui est souvent réducteur et négatif, pour parler plutôt de différence. Les personnes en situation de handicap sont fières d’apporter leur contribution à l’entreprise, elles sont moteur et bénéfiques. 

Est-ce que tes différents postes dans l’entreprise ont nécessité des aménagements par rapport à ton handicap ? 
 
Sur les chantiers comme dans les bureaux, cela n’a pas été nécessaire. En effet, en pantalon et avec les chaussures de sécurité, on ne perçoit pas mon handicap, et tout m’est accessible.  
Dans le sport, je m’entraîne parmi les « valides », et cela me plaît ! Je suis triathlète avant d’être par paratriathlète. Cette année, j’ai terminé le triathlon de Deauville premier, devant des centaines de personnes valides. Je ne me catalogue pas du tout, et depuis le début de ma carrière, je n’ai jamais voulu m’entraîner parmi une catégorie spécifique.

Zoom
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Même question pour le sport ! Ton statut de sportif de haut niveau a-t-il nécessité des aménagements par rapport à ton travail ? 

En janvier 2022, j’ai renouvelé pour la 4ème fois ma convention d’insertion professionnelle sportif de haut niveau avec Bouygues Bâtiment Grand Ouest et la Fédération Française de Triathlon. Grâce à elle, je bénéficie d’aménagements dans mon temps de travail, pour pouvoir m’entraîner 30 heures par semaine et participer à des compétitions, tout en ayant une stabilité professionnelle à travers mon poste de préventeur au sein du Groupe.  
Je suis très heureux de poursuivre l’aventure avec Bouygues Bâtiment Grand Ouest. C’est une entreprise qui m’a très vite fait confiance et dans laquelle je me sens bien. Je suis satisfait d’avoir changé les regards de certains collaborateurs sur la différence et l’inclusion... J’espère pouvoir donner l’envie de se surpasser. Il faut croire en ses rêves ! 

Convention d’insertion professionnelle pour sportifs de haut niveau
Valorisant l'intégration professionnelle des sportifs de haut niveau, les conventions d’insertion professionnelle permettent aux athlètes des aménagements de temps de travail compatible avec la pratique intensive de leur discipline, sécurisant ainsi leur préparation à des compétitions, tout en leur assurant un emploi.  
La politique volontariste de Bouygues Construction, engagé en faveur du développement de la performance sportive en France, a permis à plusieurs sportifs de bénéficier de ce type de convention parmi ses effectifs au fil des ans. Parmi eux : Albéric Cormerais (acheteur chez Bouygues Bâtiment Sud-Est et champion du monde d’aviron), Guillaume Delmas (acheteur et rugbyman international slovène), Jordan Dorville (alternant au service paie de Bouygues Construction et champion de taekwondo), Ludivine Mitrope (responsable développement immobilier chez Linkcity Centre-Sud-Ouest et championne de Qwan Ki Do), Delphine Racinet-Réau (responsable de la comptabilité périmètre PPP et consolidation des comptes Bouygues Bâtiment Ile-de-France et championne de tir sportif), Dan Nguyen (ingénieur commercial et champion de kickboxing)… 

Comment on se prépare pour les JO de 2024 ? Est-ce différent pour chaque compétition ?
 

Pour Tokyo 2020, la météo promettaient d’être extrêmement humide et chaude, et je me suis entraîné spécifiquement pour y résister, à l’aide d’une « thermoroom » qui reproduisait les conditions que je rencontrerai lors de la compétition.  

Pour Paris 2024, c’est un peu différent : début septembre (NDLR : période de l’épreuve de paratriathlon), la météo de la région est complètement incertaine ! Il pourra faire 35 degrés, ou bien 15, c’est du tout au tout en cette mi-saison. Néanmoins, la préparation commence dès maintenant, et je continue de préparer mon corps avec la thermoroom, car on s’est rendu compte qu’il était intéressant de se préparer aux pires conditions possibles.

L'agenda
Entre juin 2023 et juin 2024 : période de qualification pour les JO 2024. Il s’agit pour Alexis de participer à quelques courses internationales dans lesquelles il faut finir sur le podium. Pour l’athlète champion du monde 2023, il sera quasiment acté qu’il participera à la compétition Paris 2024. 
 
18 août 2023 : le « test event », une sorte de répétition générale de la course de Paris 2024, un an avant. Alexis y participera en conditions réelles, et cela lui permettra de repérer le parcours et établir les meilleures stratégies possibles. « C’est hyper important d’avoir ce repérage. La même simulation   
pour Tokyo m’avait énormément aidé pour la vraie course : je connaissais le site, je n’avais pas d’interrogation sur comment aller se dérouler le parcours, et je n’ai pas perdu de temps. Ce sont des informations extrêmement précieuses, et j’ai hâte d’y être. » 
 
1 ou 2 septembre 2024 : épreuve paralympique de triathlon.   

Un conseil, dans le sport comme dans le travail ?  

Oui : il faut rêver. Rêver, c’est ce qu’il y a de plus beau. Et vouloir essayer d’accomplir un rêve, ce n’est jamais bête, il faut essayer. Le principal ce n’est pas de tomber, mais de se relever. Dans le monde de l’entreprise comme dans le sport, il faut rêver d’un projet, et se lancer. 

Un jour, à peine sorti d’un lit d’hôpital, j’ai rêvé que je ferais du triathlon, et que je ferai les Jeux Olympiques de Tokyo. J’ai d’abord rêvé de me qualifier, puis j’ai rêvé de médaille, puis de l’or, et puis je l’ai fait. Je sentais au fond de moi que j’en étais capable, et j’en ai tellement rêvé, que finalement, tout ce qui s’est passé entre le début de ce rêve et son accomplissement, les médailles d’or européennes et mondiales, ça n’était que des étapes bonus.  

On n’a rien sans travail, mais s’autoriser à rêver, pour mieux se projeter et se motiver à accomplir un défi, aller au bout du rêve, c’est important. Aujourd’hui, ce qui m’arrive, c’est du travail, pas de la chance. 

Jeux Paralympiques de Tokyo, 2020

Alors, quel sera le challenge, le rêve d’après ?  

Je pensais avoir atteint mon top niveau l’an dernier avec ma préparation pour les JO de Tokyo, et cette année je suis finalement encore plus fort, alors je ne m’arrête pas de rêver ! 
Je veux laisser le plus beau palmarès sportif para français de l’histoire.  

Et plus concrètement, je rêve des deux prochains titres mondiaux, de la médaille d’or Paris 2024, et ensuite Los Angeles 2028.  

Je me challenge aussi en me comparant avec les meilleurs d’autres catégories (NDRL, Alexis concourt en catégorie PTS4, et se compare avec la catégorie PTS5, dont les participants ont des handicaps plus faibles).  En Turquie le weekend dernier, j’étais à 15 secondes du vainqueur PTS5.

En 2028, une épreuve olympique un peu spéciale
« En 2028, il est question d’organiser un relais mixte en triathlon, avec des équipes composées de deux femmes et deux hommes. Une première course « test » sera organisée dans un mois à Abu Dhabi, et j’y serai. Puis en 2023, une épreuve du championnat du monde de triathlon est prévue en relais mixte… Si cela fonctionne, cette épreuve sera proposée pour intégrer la liste des épreuves 2028 à Los Angeles. »

Tokyo 2020, les championnats du monde, et bientôt Paris 2024… Après de telles émotions, comment retourne-t-on au quotidien « normal » ?  
 
J’apprécie les choses sur le moment, puis je retourne à mon quotidien, mais il n’a rien de classique ! Je m’entraîne tellement souvent que c’est mon premier métier. Me rendre à mon « deuxième » travail, celui de préventeur chez Bouygues Bâtiment Grand Ouest, n’est pas redondant pour moi, il y a chaque jour des échanges passionnants et de nouvelles rencontres. Et je reste un hyperactif ! J’essaie de communiquer mon énergie, mon enthousiasme et ma gaité autour de moi, d’apporter ma bienveillance. Il y a un plaisir mutuel à partager avec mes collègues, et répondre à leurs questions sur mon « autre vie »… Cela me permet d’ailleurs de faire remarquer énormément de similitudes entre le sport de haut niveau et le monde de l’entreprise : il faut s’entourer, adopter des stratégies, il y a des règles à respecter, des capitaines d’équipe… Si je peux apporter des conseils, je le fais avec plaisir.  

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