Bonjour Estelle ! Tu as fêté cette année tes 21 ans passés chez Bouygues. C’est l’anniversaire d’un parcours riche en postes variés, des études de prix aux travaux, des travaux au commerce puis qualité/environnement. Peux-tu nous en dire plus sur ta carrière ?
Lorsqu’on me demandait enfant ce que je ferais plus tard, je répondais quelque chose d’héroïque comme pompier. Je cherchais surtout un métier qui m’impressionnait, et cela a toujours été le cas des travaux publics !
Alors que je menais des études d’ingénierie en génie civil géotechnique, je voulais déjà rejoindre Bouygues. Cela ne s’est pas fait pour mon premier stage car en 1997 l’entreprise ne recrutait pas encore de femmes sur chantier au poste de compagnon. Je n’ai cependant pas perdu de vue mon objectif d’intégrer le groupe et ai réessayé l’année suivante. Déterminée, je suis partie à la rencontre d’une responsable en Ressources Humaines de Bouygues à un forum étudiant, avec la ferme intention de faire valoir mes compétences. Ça a fonctionné et j’ai rejoint la direction technique de Norpac – aujourd’hui Bouygues Bâtiment Nord Est –, dont l’expertise s’étendait à l’époque aux travaux publics et au bâtiment. A la suite de ce stage, j’y ai réalisé mon projet de fin d’études puis j’ai été embauchée en études de prix.
Ce domaine m’intéressait mais moi, ce que je voulais faire, c’était des travaux en ouvrages d’art ! J’ai poussé mon projet auprès de l’entreprise et quatre autres années plus tard, j’ai finalement rejoint un grand chantier en tant que conductrice travaux. Début 2005, une femme à ce poste était encore rare.
En déplacement sur un grand chantier en France, je me suis beaucoup épanouie et j’ai beaucoup appris mais j’aspirais à être la seule responsable sur site. Pour gagner en indépendance, j’ai donc démarré sur un autre chantier beaucoup plus petit afin d’être la seule conductrice de travaux. J’ai atteint tous les objectifs que je m’étais donnés. Ils étaient d’ailleurs plus ambitieux que ceux que mes chefs m’avaient fixés !
Une fois ces buts-là atteints, j’ai voulu concilier ma carrière et ma vie personnelle au mieux et me suis dirigée vers un autre métier qui m’intéressait : le commerce. Alors que je changeais de poste, Bouygues Travaux Publics Régions France se formait. Comme j’avais envie de progresser dans un nouveau cadre, avec de nouvelles personnes, je suis partie du côté industrie. Il ne m’aura pas fallu longtemps pour me rendre compte que les travaux publics me manquaient et finalement rejoindre Bouygues Travaux Publics Régions France avec comme mission de développer le commerce en travaux fluviaux et maritimes sur le territoire France – activité stratégique pour l’entreprise.
Ta carrière rime avec courage, détermination et curiosité. Quelles difficultés as-tu rencontrées durant ton parcours ? Comment les as-tu gérées ?
J’ai découvert avec surprise en entreprise qu’il y avait des obstacles spécifiques aux femmes. A l’école, où j’obtenais de meilleurs résultats que certains garçons, je n’imaginais pas que des réticences liées à mon genre* surviendraient plus tard. Après tout, moi, je n’avais pas de problème avec celui des autres. En avançant dans mes études et dans ma carrière, à chaque fois qu’on m’a dit qu’une voie n’était pas faite pour les femmes, je me disais « c’est là qu’il faut que tu ailles ». Ces chemins qu’on m’a dissuadée d’emprunter n’en étaient que plus intrigants, impressionnants… et ma motivation décuplée. J’ai toujours aimé me lancer des défis et je suis fière de les avoir relevés.
Je pense que ces difficultés viennent principalement du contexte dans lequel les femmes évoluent. A mon arrivée en entreprise, dont je devais déjà apprendre les codes, les règles du jeu avaient été établies par des hommes avec leurs propres cartes. Les femmes dénotaient. Au début de ma carrière, j’ai d’abord voulu m’intégrer en gommant ma différence, mon genre. Porter des vêtements dits féminins, me maquiller… Je réservais tout cela au week-end pour me fondre à ce milieu masculin la semaine ! J’ai aussi appris à m’exprimer davantage, à valoriser mes réussites et à faire entendre mes ambitions.
Mais les différences demeurent et sont en fait les bienvenues : chacun ses forces. Pour que les femmes sortent leurs propres cartes, il a été essentiel que les entreprises leur ouvrent les portes. Cela commence dès le recrutement ! Ce changement dans l’entreprise m’a personnellement aidée à me libérer et à m’affirmer pendant une période où je commençais à fatiguer de toujours essayer de démontrer que j’avais ma place. J’ai également pris du recul, ce qui a été déterminant pour gagner en confiance et cesser de justifier ma présence, ne serait-ce qu’auprès de moi-même. J’ai reconnu que j’avais été embauchée parce que je le méritais, tout simplement. Je ne suis d’ailleurs pas d’accord avec ceux qui affirment qu’il fait bon d’être une femme aujourd’hui. Mon genre n’était pas un privilège il y a vingt ans quand j’ai commencé, nous sommes juste en train d’arriver à un équilibre qui n’existait pas.
Je considère que ces obstacles ont été autant de sources d’inspiration. Mon parcours est également ponctué de belles rencontres, de personnes qui ont permis mes différentes mobilités fonctionnelles, ont compté sur moi et ont eu confiance en moi.
Qu'est-ce que le genre ?
Le genre désigne l’ensemble des comportements, des rôles, des activités et des attributs considérés comme appropriés pour un individu selon son sexe. Cette identité (par exemple le genre féminin ou masculin) est une construction sociale, à distinguer du sexe, qui lui est une caractéristique biologique.
Selon toi, quelle est la prochaine étape pour relever le défi de la mixité chez Bouygues Travaux Publics ?
Même s’il y a encore du chemin à faire, je tiens à souligner que beaucoup de progrès ont été faits depuis mon premier jour au sein du groupe. On ne compte cependant pas encore assez de femmes à des postes opérationnels, en travaux, alors qu’elles ont une véritable valeur ajoutée. Au-delà, il importe à nos clients, qui sont plus avancés dans la féminisation de leur entreprise et qui sont un meilleur reflet de la société, de voir des femmes sur chantier.
L’entreprise a déjà engagé des démarches pour compter plus de femmes dans nos rangs. Pour continuer dans cette voie, je pense que la première étape est de ne pas perdre celles qu’on a déjà ! Certains de nos talents féminins, bien qu’identifiés et accompagnés, démissionnent faute de pouvoir se projeter dans l’entreprise en termes d’évolution. Ainsi est-il nécessaire d’ouvrir davantage les perspectives aux femmes qu’on a déjà captées et formées.
Bien sûr, la mixité est seulement possible si les entreprises reçoivent assez de candidates. C’est précisément la raison pour laquelle l’éducation est primordiale. Participer à l’évolution des mentalités m’est très cher. En plus d’être mentore dans le cadre du programme Bouygues Travaux Publics, membre de welink, la démarche Bouygues Construction qui promeut les métiers de la construction au féminin, et de faire partie du réseau « Elles bougent », j’interviens au collège d’une de mes filles pour échanger avec les étudiantes et montrer qu’une femme ingénieure dans le BTP, c’est bel et bien possible et épanouissant ! Je veux faire passer le message que tout le monde, fille ou garçon, peut faire le métier de son choix.
Conseil carrière
Toutes les réponses à vos questions sont en vous, alors faites-vous confiance pour vous exprimer, vous convaincre que vous allez réussir… et réussir !
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