« Écomatériau », mot courant depuis les années 1990, entré en 2019 dans Le Petit Robert, désigne « un matériau de construction dont l’utilisation respecte l’environnement » : pierre, terre crue (des matériaux dits géosourcés, d’origine minérale), ou bois, paille, chanvre, roseau (matériaux dits biosourcés, d’origine biologique, végétale ou animale). Pour le secteur du bâtiment, responsable d’un tiers des émissions nationales de gaz à effet de serre, selon une étude de l’ADEME et de Carbone 4 de juin 2019,, ces matériaux naturels sont d’un intérêt majeur. Leur extraction, leur récolte ou leur sciage nécessitent relativement peu d’énergie ; ils sont recyclables, réutilisables ou transformables avec un impact environnemental plus faible que d’autres matériaux.

Leur durée de vie se compte en centaines d’années : même la paille de la maison Feuillette, à Montargis, dans le Loiret, construite en 1920, conserve aujourd’hui encore toutes ses qualités. Cerise sur le gâteau, certains matériaux géosourcés ou biosourcés offrent des caractéristiques thermiques – isolation ou inertie - formidables. La réglementation environnementale RE 2020, opérationnelle à l’été 2021, « devrait rendre, à l’horizon 2030, l’usage du bois et des matériaux biosourcés », qui permettent de stocker le carbone, « quasi systématique, y compris pour les maisons individuelles et le petit collectif », annonce le dossier de presse transmis par le ministère de la Transition écologique, pour diminuer l’empreinte carbone des bâtiments d’un bout à l’autre de leur cycle de vie, de la construction jusqu’à la démolition, garantir leur confort durant l’hiver et les fortes chaleurs.

« En parallèle, un label d’État permettra aux maîtres d’ouvrage publics ou privés d’anticiper les futures exigences de la RE 2020, de montrer l’exemple et de préfigurer le bâtiment d’après-demain. »
Ces mesures impliquent une transformation profonde des types de bâtiments et des modes de construction, « qui exigeront que les compagnons et artisans modifient leurs pratiques et se forment. Cela est particulièrement vrai pour l’usage du bois et des matériaux biosourcés : [il] modifiera substantiellement les manières de concevoir, d’approvisionner et de mener les chantiers ».

Or un quart des bâtiments de la France de 2050 n’est pas encore construit, selon les projections retenues par le ministère de la Transition écologique – pour répondre à un besoin engendré notamment par la diminution de la taille des ménages couplée à la croissance démographique - et plusieurs enjeux économiques se dessinent à long terme. D’abord, assurer aux éco-constructeurs l’approvisionnement en éco-matériaux. La terre, la paille, le chanvre ou le roseau ne manqueront pas, assurent leurs filières respectives. Mais les 500 carrières de pierre que compte la France ne peuvent être exploitées à l’infini.

Et des menaces sérieuses pèsent sur la forêt, selon le rapport d’avril 2020 de la Cour des comptes sur La structuration de la filière forêt-bois, ses performances économiques et environnementales : dérèglement climatique, surnombre de grand gibier qui gêne sa régénération, opinion défavorable à la chasse et à l’abattage des arbres. Cette restructuration de la filière forêt-bois, déficitaire à cause de l’exportation (vers la Chine notamment), de grumes, c’est-à-dire de troncs d’arbres encore couverts de leur écorce, et de l’importation de produits transformés comme le CLT, est indispensable.
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Seule une action publique ambitieuse permettra cette réorganisation, souligne la Cour des comptes. Ses préconisations — une nouvelle réglementation environnementale, une aide financière conséquente — ont été suivies. Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, a annoncé le 22 décembre une aide de 200 millions d’euros pour le « repeuplement » de la forêt de 50 millions d’arbres. BPI France a lancé le 16 décembre 2020 un fonds bois et écomatériaux de 70 millions d’euros pour renforcer la filière : la balle est dans son camp.
