Dossier spécial
Prospective post-Covid : ce qui va changer

La crise sanitaire qui nous touche à l’échelle internationale est sans précédent. Du jour au lendemain, tout a basculé. Les populations ont été confinées, les commerces fermés, les entreprises mises à l’arrêt…

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PRENDRE LA MESURE DES MUTATIONS QUI S'AMORCENT

La crise sanitaire qui nous touche à l’échelle internationale est sans précédent. Du jour au lendemain, tout a basculé. Les populations ont été confinées, les commerces fermés, les entreprises mises à l’arrêt… Nos modes de fonctionnement ont été soudainement remis en question et nous avons tous dû nous adapter à cette situation inédite en un temps record.

Si nous ne disposons pas aujourd’hui de statistiques suffisantes pour établir exactement une sociologie de la maladie et des décès qu’elle provoque, parions que la radicalité des différences sociales et leurs localisations apparaitront en pleine lumière. On mesurera alors combien les métropoles, en particulier les plus peuplées d’entre elles, auront payé un lourd tribut dans cette crise.
Allons-nous alors vers une densification ou une dispersion de l’espace urbain ? Comment concilier santé publique et lutte contre le réchauffement ? Les enjeux sont-ils aujourd’hui réellement urbains ou plutôt sociétaux ?

Si on ne peut pas identifier toutes les conséquences à long terme de cette crise sur nos modes de vie, l’objet de ce dossier est de poser les premiers enseignements que l’on peut en tirer sur la ville et la métropole, marchés essentiels du pôle Energies & Services.
La communauté innovation du pôle Energies & Services est allé à la rencontre d’Alain Bourdin, professeur des universités, sociologue et urbaniste et François Pitti, Directeur prospective et marketing stratégique chez Bouygues Construction, pour les interroger sur leur vision de notre monde post-COVID et prendre la mesure des mutations qui s’amorcent.

LA COVID-19 VA-T-ELLE CHANGER LA VILLE ?

Dès le début de la pandémie, urbanistes et spécialistes de la ville ont commencé à débattre sur les effets urbains que cette crise sanitaire pourrait entraîner. Les enjeux sont-ils réellement urbains ou plutôt sociétaux ? Comment agir sur la société en période de crise ? Peut-on protéger l’individu dans un espace dense ? Rencontre avec Alain Bourdin, sociologue et urbaniste.

ALAIN BOURDIN, D'APRES VOUS, QU'EN EST-IL DE CE DEBAT SUR L'IMPACT DE LA COVID-19 SUR LES VILLES ET LES METROPOLES ?
Dans les pays occidentaux le débat a très vite porté sur la densité urbaine, avec parfois l’annonce d’un déclin des métropoles. En Californie par exemple, cela se traduit par un retour en force de la défense de l’habitat de type pavillonnaire, tempérée chez les plus modernistes par le souci de la « ville marchable » et du « Transit oriented development », autrement dit d’une urbanisation liée aux transports en commun. D’après ce que j’en sais, on ne trouve pas de débats équivalents à Singapour, à Séoul ou à Shanghai. En France en revanche un fait a frappé : le départ d’environ un million d’habitants de l’agglomération parisienne vers la province au moment du confinement. D’autant plus qu’ensuite, d’après les professionnels, la recherche de résidences dans certaines régions de France - déjà appréciées auparavant - a significativement augmenté. Les partisans et les adversaires de la ville dense se sont affrontés à nouveau.

Ancien directeur de l’Institut Français d’Urbanisme, Alain Bourdin enseigne actuellement dans plusieurs institutions universitaires et dirige la Revue internationale d’urbanisme (riurba.net). Il exerce diverses responsabilités scientifiques, notamment dans le cadre du Plan Urbanisme Construction et Architecture, et pilote plusieurs opérations de recherche, en particulier sur les modes de vie urbains et les processus de production de la ville. Il a également développé une activité de consultance, auprès de collectivités territoriales, d’équipes de conception ou d’opérateurs urbains. Ses livres les plus récents : Faire centre, Éditions de l’Aube, 2019 ; L’action publique urbaine face aux mutations sociétales, Éditions de l’Aube, avec Joël Idt J. et Michel Casteigts 2020.

AVEC LE DÉCONFINEMENT UN AUTRE PHÉNOMÈNE EST APPARU : LE DÉSAMOUR POUR LES TRANSPORTS EN COMMUN. QUELLE EST VOTRE ANALYSE SUR CE POINT ?

Ce désamour, très fort dans la région parisienne et en France, mais aussi semble-t-il dans d’autres pays, a été interprété un peu vite à mon sens comme une revendication des déplacements en modes doux : vélo, marche… Or la ville n’est peut-être pas tellement en cause. Hong Kong, Séoul, Taipeh ont très bien résisté à la pandémie, malgré des situations compliquées, et ce sont des villes très denses dans lesquelles les trans-ports en commun jouent un rôle majeur. Mais je peux témoigner qu’à Séoul, le 31 Janvier il y avait des masques et du gel hydro–alcoolique partout et que la population était mobilisée. Ce sont les modalités de la gestion de crise et la manière dont les citoyens réagissent qui font la différence, pas la forme urbaine. Il est quand même vrai que les grandes métro-poles se caractérisent par la concentration et surtout par l’importance des flux de circulation, et qu’une épidémie implique par définition des flux. Demain, pour des raisons sanitaires et environnementales nous devrons donc gérer les effets de la concentration pour les minimiser. Quelques-uns iront vivre à la campagne pratiqueront plus de télétravail ce qui facilitera les choses mais cela ne suffira pas.

ALORS COMMENT ISOLER ET PROTÉGER L’INDIVIDU DANS UN ESPACE DE VIE DE CONCENTRATION ET DE PROXIMITÉ ?

Même si on ne parle pas des immeubles de quarante étages, cette question concerne d’abord le logement et ses prolongements : terrasses privatives, lieux de bricolage ou de jardinage, espaces pour le télétravail… Cela pose problème par rapport à la logique de réduction des surfaces qui, en raison des prix, prévaut dans les grandes agglomérations les plus recherchées. Cela concerne également la protection des individus dans l’espace public, ce qui peut impliquer l’ensemble du vêtement et en tout cas la protection du visage. Aujourd’hui, les réticences sont fortes à l’Ouest, beaucoup plus qu’à l’Est. Mais lorsque je vois les petits drapeaux qui figurent sur les masques portés par Emmanuel Macron et d’autres chefs d’état, la personnalisation de plus en plus grande des masques en tissu, les recherches pour rendre la bouche visible, j’y discerne des signaux faibles de ce que sera une protection du corps individualisée et même conviviale. Demain nous porterons peut-être des combinaisons sophistiquées en temps de crise épidémique ou environnementale, mais elles figureront dans les fashion weeks, offriront du confort… et tout le monde ne pourra pas se les payer !

Comment se déplacer dans la ville tout en restant protégé ?

Le problème de l’isolement physique se pose en particulier dans les transports autour de la question de l’habitacle, qui isole et protège du contexte dans lequel on se déplace. Celui de l’automobile est lourd et le vélo n’en offre aucun par rapport aux risques de la circulation ou aux intempéries. De nouvelles vérités vont s’inventer entre les deux. Cela et le véhicule autonome aideront à réaliser une révolution aujourd’hui inévitable : là où le métro automatique réalise l’excellence du 20ème siècle, le 21ème doit réaliser cet oxymore : le transport public individuel. Et cela, qui est essentiel, suppose de faire porter les efforts sur les dispositifs légers, leurs modèles économiques et leurs modes de gestion. On le savait mais la COVID nous dit que cela va sans doute venir plus vite que prévu.

CES QUESTIONS URBAINES SONT AVANT TOUT LIÉES À LA MANIÈRE DONT ON FAIT FONCTIONNER LA SOCIÉTÉ, DONT ON LA REND RÉSILIENTE ET DONT ON LUI FAIT PRÉPARER L’AVENIR. COMMENT AGIR SUR LA SOCIÉTÉ EN PÉRIODE DE CRISE ? QUELLE EST NOTRE CAPACITÉ À PENSER L’AVENIR ET À COMPRENDRE DES PHÉNOMÈNES INCONNUS ?

Pour répondre à ces questions, nous devons mettre en avant quatre thématiques très liées à l’actualité :

1 - PRODUIRE DE LA SOLIDARITÉ
Toute société a besoin de solidarité pour fonctionner. Et c’est toujours un dosage entre la croyance en des valeurs communes et la contrainte. Le welfare state avait une recette de solidarité qui ne peut plus fonctionner dans nos sociétés très individualisées, même si l’on fait évoluer le modèle économique actuel. Or ce que montre la COVID, et encore plus les enjeux du réchauffement climatique, c’est que nous avons besoin de toutes sortes de solidarités (et pas seulement entre jeunes et vieux) pour vivre. Solidarités d’échelle toujours plus étendue et toujours plus abstraite : l’Europe et la difficulté que l’on a pour en faire un espace de solidarité au quotidien en est un bon exemple. Les responsables politiques qui, dans plusieurs pays d’Europe, n’en appellent qu’à la responsabilité des individus face à la COVID ont tort : c’est la solidarité qu’il faudrait promouvoir avant. Et celle-ci n’est évoquée qu’au niveau micro (famille, amis, communauté). Tout ce qui nous aidera à réinventer des solidarités « macro » sera bienvenu.

2 - COORDONNER DES ACTEURS DIVERS
L’expérience de la COVID a clairement montré que l’on doit combiner une action de l’État et une action beaucoup plus proche du terrain, avec des niveaux intermédiaires, en particulier les communes et les régions. Mais la question centrale n’est pas celle de la décentralisation, c’est celle de la coordination. Par exemple en Allemagne : le système y est décentralisé mais les différents niveaux d’entités institutionnelles se coordonnent en général de façon plutôt satisfaisante. L’enjeu n’est plus tant à mon sens dans la définition des institutions d’un pays que dans celle de leurs modalités de coordination. Et, au moins en France, la COVID a été l’occasion de mauvaises coordinations (entre l’État, les pouvoirs locaux et les entreprises), ne serait-ce que sur la question de l’approvisionnement en masques.

3 - SAVOIR ANTICIPER
Gouverner c’est prévoir. Mais aujourd’hui, on ne sait plus très bien quelle place donner à l’anticipation, en particulier dans l’action publique. La ministre Roselyne Bachelot avait raison de constituer des provisions considérables de masques lors de l’épidémie de H1N1, alors qu’on lui a fortement reproché. Il est pourtant probable que l’on reproduira le même genre de scénario dans un domaine ou un autre. Nous nous retrouvons aujourd’hui, et là encore avec des enjeux environnementaux considérables, devant une vieille question : quelle place donner à l’avenir –y compris dans ce qu’il a de lointain et de disruptif - dans la pensée du présent et concrètement dans nos raisonnements économiques et budgétaires. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les stratégies urbaines. Je suis frappé par le recul des démarches
prospectives des grandes villes. Lyon, par exemple, a eu de grandes ambitions dans ce domaine et a fini par réduire son travail prospectif au très court terme.

4 - QUELLE PLACE POUR LES EXPERTS ?
La COVID nous fait clairement comprendre la différence entre expert et chercheur. L’expert est comme le juge, « en tant que sachant » (comme dit la langue judiciaire) : il définit ce qui est ou ce qui doit être. Etre expert c’est un rôle social dans lequel la compétence est une condition nécessaire et pas du tout suffisante. Car l’expert prépare la décision du pouvoir politique, l’oriente, voire la prend par délégation.
Il doit donc d’abord considérer les conséquences de ses prescriptions et être socialement investi dans cette responsabilité. Le chercheur établit des vérités scientifiques qui sont destinées au monde scientifique  pour être discutées jusqu’à ce qu’on prouve qu’elles sont fausses, ce qui souvent permettra  une  avancée scientifique. Il n’a pas à être « neutre » vis à vis de l’état des savoirs et peut tout à fait prendre parti pour une  technologie  ou une prescription particulière. L’expert se doit, lui, d’être neutre pour pouvoir proposer la meilleure solution, ou la moins mauvaise compte-tenu de la situation à l’instant considéré. Il doit garder en réserve les alternatives possibles pour pouvoir y revenir si la situation évolue. On a vu dans nombre de pays, des mélanges ahurissants entre les deux fonctions, comme si, par exemple, un chercheur était a priori capable de jouer le rôle d’expert, ce qu’en général il n’est pas etc. Les réseaux sociaux et les médias y sont pour beaucoup mais ne leur attribuons pas tous les maux - et plus encore la concurrence féroce qui règne dans ces deux milieux et qui aboutit notamment au ridicule de certaines publications dans des revues qui servent pourtant de base au classement de Shanghai. Laissons les chercheurs chercher et s’engager dans leurs choix scientifiques et rendons plus solide – et sans doute plus contrainte - la position d’expert, ce qui est contre-tendanciel dans un contexte où tout le monde se veut volontiers compétent sur tous les sujets, ce qui est souvent très calamiteux et contribue par exemple au fait que 60% des français disent vouloir refuser de se faire vacciner contre la COVID.

CETTE ÉPIDÉMIE EST-ELLE UN VECTEUR DE CHANGEMENT ?
On a fait de la COVID un vecteur de changement et ce n’est pas totalement faux sur des points précis, par exemple le développement considérable du libre accès des données de recherche (rien à voir avec les publications intempestives), ou même sur des questions fondamentales, celle de la valeur attribuée à la vie humaine, en particulier des personnes âgées. Mais c’est peut-être avant tout un analyseur qui rend visible un ensemble de problèmes plus ou moins cachés concernant le fonctionnement de nos sociétés. La situation post confinement nous conduit à insister sur l’un d’entre eux : nous nous battons de plus en plus souvent contre des ennemis invisibles. Statistiquement, peu de français, surtout parmi les jeunes, ont côtoyé des cas graves. La canicule ou la disparition des ours blancs dans l’Arctique, aussi médiatisés soient-ils, ne suffisent pas à rendre vraiment palpable l’importance des effets du changement climatique. Maîtriser le monde dans lequel nous vivons exige de plus en plus une capacité d’abstraction et de projection dans l’avenir alors que le quotidien et le court terme semblent dominer totalement l’activité humaine. C’est le paradoxe redoutable auquel nous devons faire face.

9 TENDANCES POST COVID

9 TENDANCES ET LEUR IMPACT SUR NOTRE ACTIVITE

"Grâce à sa présence internationale et de ses offres, le pôle Energies & Services est en capacité de répondre aux nouveaux enjeux en termes d’aménagement, de mobilité durable et multimodale, repenser les immeubles en interaction avec leur environnement urbain et les parties prenantes associées. Par ailleurs le pôle Energies & Services a une capacité d’influence sur les gouvernements et collectivités locales qui porteront des dispositifs de relance pour la croissance qui intègreront des opérations de rénovation et réhabilitation énergétique, des programmes dans l’énergie (photovoltaïque, hydrogène), des développements de « smart cities » et de solutions numériques."

Décryptage par François PITTI, directeur prospective et marketing stratégique chez Bouygues Construction.

François PITTI, directeur prospective et marketing stratégique chez Bouygues Construction

 #1 ANCRER LE CONCEPT DE RESILIENCE ET SES MULTIPLES DECLINAISONS

Pour sortir d’une crise et en limiter les impacts, une organisation résiliente doit être en capacité non pas d’éviter les chocs mais d’y réagir, de les absorber ou de les contourner et d’y apporter une réponse rapide. Ce concept de résilience face à une situation de crise n’est pas nouveau mais il prend une importance déterminante face à l’accélération des changements de toute nature. Avec la crise COVID, nous avons vu s’accroître la nécessité de plusieurs types de résilience : sanitaire évidemment, mais aussi économique ainsi que cyber (avec l’explosion d’attaques en ligne). Par le passé, le concept de résilience était parfois considéré comme un peu théorique. Désormais il s’impose comme une réalité et fait l’objet de discussionsavec les partenaires et les parties prenantes autour de projets et d’ambitions urbaines. On aboutit à une approche plus systémique de la résilience à l’échelle urbaine intégrant tous les changements bénéfiques qui peuvent être traités sur un temps court, en proposant un plan d’action aux collectivités, leur donnant une capacité de réactivité rapide. Sur ce type d’approche la gestion du temps devient critique.

 #2 DES PERSPECTIVES DE DECONCENTRATION DE L'INTERVENTION PUBLIQUE

La crise liée au COVID a amené à repenser une évolution des compétences entre Etats et collectivités locales ainsi que les interactions locales avec les entreprises. Avec en filigrane la gestion historique centralisée des aspects sanitaires, un débat a animé de nombreux pays : comment être plus agile, plus rapide et plus efficace en décentralisant certaines responsabilités au niveau des collectivités locales ? Cette évolution aura un impact en termes de projets « smart cities » et de programmations urbaines. Même si cette réflexion quant à la décentralisation ne touchera probablement pas les sujets très critiques, nous l’observons à l’échelle internationale.

 #3 UNE RECONFIGURATION DES ORGANISATIONS GLOBALES

De nombreux experts et politiques préconisent une reconfiguration des organisations globales avec la mise en place de circuit courts (raccourcissement de la chaîne de valeur logistique). Avant la crise covid, le modèle de référence était une organisation mondialisée et une utilisation poussée du « lean management » avec une approche zéro stocks. Désormais, semble émerger une tendance vers des circuits courts, du stockage, notamment pour les matériaux et solutions critiques avec le bénéfice d’une empreinte carbone beaucoup plus faible. Cette tendance s’inscrira dans des approches régionales. Ce mouvement concernera de nombreux secteurs d’activité dont la construction et l’énergie. Cela devrait permettre d’aboutir à des chaînes d’approvisionnement plus agiles et plus résilientes.

 #4 LA TRANSITION ENERGETIQUE FACE A DE NOUVEAUX CHALLENGES

Pour la première fois, le prix du baril de pétrole a été négatif. Et même si ce prix « négatif » peut s’expliquer par la gestion des stocks, le prix pouvant se stabiliser entre 40 et 50 dollars le baril, nous sommes encore très en deçà d’un baril à 110 dollars comme en 2014. Les dimensions économiques et environnementales vont être plus interdépendantes dans un contexte de pression économique croissante. L’équation économique sera nécessairement prise en compte par certains pays dans la mise en oeuvre de leur bouquet énergétique, même si le mouvement de fond vers les énergies renouvelables reste un moteur majeur tant au niveau des états, que des citoyens et des institutions financières (« Green finance »).

 #5 TRANSFORMATION ET ACCELERATION DE L'UTILISATION DU NUMERIQUE

L’utilisation du numérique devient un facteur clef. L’usage de Teams ou de Zoom par exemple s’est généralisée depuis le début de la crise sanitaire pour suppléer à l’impossibilité ou à la difficulté d’organiser des réunions en présentiel. Parmi les secteurs qui ont continué à générer de la croissance, le numérique s’est décliné de manière forte dans différents secteurs comme le télétravail, la télésanté ou la télé-éducation. Les GAFA, au sortir de l’été, ont quant à elles des valorisations record. Il est difficile de déterminer la part stabilisée à deux ou trois ans des services numériques, mais une chose est sûre : il y aura un avant et un après COVID quant à leur usage par les organisations et par les citoyens. La dimension de bâtiment et d’infrastructure connectés et offrant un bouquet de services devient stratégique.

 #6 NOUVELLE RELATION AU TEMPS, A L'ESPACE ET AUX BESOINS ESSENTIELS

La crise liée au COVID a créé un nouveau rapport au temps et à l’espace avec l’accélération due au numérique d’un côté, et de l’autre l’importance prise - de fait - par le cadre de vie immédiat ainsi qu’un nouveau rapport à la nature et au "temps essentiel". Par ailleurs, les élections municipales de juin 2020 en France ont vu de nouveaux maires, avec une sensibilité environnementale plus marquée, se faire élire. La crise a accéléré la prise en compte des espaces au sein de la ville entre les immeubles. Il s’agit de penser les services à l’échelle de la ville et de sa communauté et non plus forcément à l’échelle du seul immeuble. Cela constitue une opportunité pour les organisations et entreprises d’être force de proposition avec les parties prenantes sur cette dimension urbaine du quartier.

 #7 SANTE ET PREVENTION : UNE PRISE DE CONSCIENCE

La crise sanitaire a décuplé les débats et les initiatives autour de systèmes de santé plus réactifs et en proximité avec notamment une volonté d’articulation entre un système de soins et un système de prévention s’appuyant sur des outils numériques. Ces réflexions incluent également de nouvelles attentes en termes de bien-être (qualité de l’air, sport en ville, interactions sociales) et de réduction de l’exposition au stress. Pour y répondre, des approches conjointes et coordonnées entre acteurs urbains et médico-sociaux seront déterminantes.

 #8 RENFORCEMENT DES INEGALITES SOCIALES, ECONOMIQUES ET GEOGRAPHIQUES

Le débat autour d’inégalités sociales et géographiques croissantes n’est pas nouveau, mais il s’est intensifié durant la période de confinement et au-delà. Parmi les thèmes critiques figurent l’accès aux soins et aux services de proximité dans des territoires peu desservis par les réseaux
traditionnels. Les acteurs urbains et des territoires vont être sollicités de manière croissante sur cette dimension clé pour apporter de véritables solutions de proximité.

 #9 ÉLARGISSEMENT DES DIVISIONS SOCIALES

La prise en compte du développement durable dans les territoires n’a pas toujours réussi à relier les trois éléments qui la composent : les dimensions sociale, environnementale et économique. Il faut désormais qu’elles interagissent, avec de vraies synergies, dans une approche plus systémique.

CONTEXTE GÉOPOLITIQUE ET GÉO-ECONOMIQUE

750 MILLIARDS D’EUROS : UNE INTERVENTION SANS PRÉCÉDENT DE L’UE POUR RELANCER L’ÉCONOMIE

L’Union Européenne vient d’établir un accord pour un dispositif de soutien économique sans précédent qui porte sur la définition de priorités communes, particulièrement dans le secteur de l’économie « verte ». Sur les 750 milliards d’euros, 60% prendront la forme de subventions. Le reste prendra la forme de prêts.

UN RISQUE SYSTÉMIQUE SUR L’ÉCONOMIE RÉELLE ET LA FINANCE QUI AMÈNE À PENSER DE NOUVELLES SOLUTIONS

Concernant la croissance, les projections par les Nations Unies, le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale estiment à date une baisse entre 4 et 6% des PIB dans le monde. Ces mêmes organisations prévoient une croissance jusqu’à 9%, voire plus l’année prochaine, avec une perspective moyen terme post-covid de +3% par an. La croissance à court terme sera différente selon les secteurs d’activité. Pour la construction, les 2 mois de crise ont eu un impact en temps réel avec des revenus qui sont tombés à 0. Cette situation génèrera forcément un effet rebond dans les 2 ans. Concernant la dette des Etats, elle atteint désormais au sein de l’UE et plus largement de l’OCDE une moyenne de 150% du PIB contre 85 à 100% du PIB avant la crise. Cette situation va imposer une pression du système financier sur les Etats qui amènera à développer de nouvelles voies de financement, de nouveaux instruments financiers, de nouveaux modèles économiques.

GÉOPOLITIQUE : L’UNION EUROPÉENNE VA DEVOIR TROUVER SA PLACE DANS LA RELATION USA/CHINE

La crise COVID a été un catalyseur, un révélateur des tensions entre la Chine et les USA. Ces tensions étaient déjà élevées avant la crise mais elles se sont aggravées. Des spécialistes parlent même de nouvelle « guerre froide ». Elle a aussi révélé l’enjeu pour l’Europe de trouver sa place dans ce nouvel équilibre géopolitique. Comment l’Europe doit-elle commercer, coopérer… avec ces deux pays ? Les récentes négociations entre l’UE et la chine ont été tendues car pour la première fois il y avait une volonté de protectionnisme de la part de l’UE. Ces tensions polariseront probablement dans le futur les relations entre Etats, entre zones dans le monde ou au sein des organisations internationales. “Au regard des présences de Bouygues Construction aux USA, au Canada, en Asie, il nous paraît important de mentionner cette redistribution géopolitique et géoéconomique.” souligne François Pitti.

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